Conséquence du refus annulé : Injonction de délivrer l’autorisation refusée !
Hugues Foucard, Avocat, collaborateur au sein du cabinet Lapuelle
Il est parfois difficile de décider l’engagement d’une action contentieuse contre une décision de refus en matière d’urbanisme.
Qu’il s’agisse d’un refus de permis de construire ou d’une opposition à déclaration préalable, les hésitations peuvent être nombreuses : la durée du procès, le coût de la procédure en cas de recours à un avocat, les conséquences concrètes en cas de succès, etc.
Sur ce dernier point et jusqu’à très récemment, l’hésitation était parfaitement légitime, l’annulation ne s’accompagnant bien souvent que d’une injonction faite à l’administration de réexaminer la demande initiale, laquelle avait de fortes chances de conduire à un nouveau refus.
Autrement dit, l’annulation du refus n’entraînait pas nécessairement l’octroi de l’autorisation et ses effets se trouvaient bien souvent anéantis par un nouveau refus opposé à la suite d’un réexamen.
C’est à cette situation peu satisfaisante pour les pétitionnaires que le Conseil d’Etat a souhaité mettre un terme le 25 mai dernier, dans son avis contentieux Préfet des Yvelines[1].
Dans cet avis, le Conseil d’Etat tire les conséquences de l’application combinée de plusieurs règles spécifiques au droit de l’urbanisme.
La première, tirée de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme[2], énonce qu’en cas d’annulation juridictionnelle d’un refus d’autorisation d’urbanisme, la nouvelle demande doit s’apprécier conformément aux dispositions applicables à la date du premier refus, sans que les dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement ne puissent être opposées à cette nouvelle demande.
La deuxième règle concerne l’étendue du contrôle juridictionnel des décisions d’urbanisme, instituées par la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 à l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme[3] pour lutter contre les recours successifs dirigés contre une même autorisation, et qui oblige le juge, par dérogation au principe d’économie des moyens, à se prononcer sur l’ensemble des moyens de la requête qu’il estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier.
La troisième, plus récente est issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron. Le deuxième alinéa de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme[4] créé par l’article 108 de cette loi vient en effet instituer une obligation de motivation intégrale des décisions de refus d’autorisation d’urbanisme, là où il n’existait avant qu’une simple obligation de motivation permettant à l’autorité administrative d’opposer à une nouvelle demande un autre motif de rejet non mentionné dans la décision de refus initiale.
De la combinaison de ces trois règles, le Conseil d’Etat déduit que le juge administratif doit désormais, sous réserve qu’il soit saisi de conclusions en ce sens, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition après avoir annulé le refus de permis ou l’opposition à déclaration préalable soumise à sa censure.
En effet, l’administration devant désormais indiquer tous les motifs de refus qui fondent légalement sa décision depuis la loi Macron, le juge administratif en est intégralement saisi et doit se prononcer sur la légalité de tous ces motifs (à condition bien sûr qu’ils soient tous contestés). Si le juge administratif annule la décision de refus en censurant tous les motifs invoqués par l’autorité administrative pour la justifier, plus rien ne s’oppose alors à la délivrance de cette autorisation, nonobstant les éventuelles évolutions des règles d’urbanisme qui sont inopposables à la nouvelle demande qui sera formulée à la suite de l’annulation, et le juge administratif peut donc logiquement enjoindre la délivrance de l’autorisation initialement souhaitée.
Cet avis contentieux vient donc fortement augmenter l’intérêt d’une action contentieuse contre une décision de refus de permis de construire ou d’une opposition à déclaration préalable en clarifiant les conséquences de celle-ci en cas de succès dans un sens très favorable au pétitionnaire.
Attention toutefois à l’éventuel recours des tiers contre cette nouvelle autorisation, car la solution adoptée par le Conseil d’Etat n’a bien évidemment pas pour effet de la soustraire à un éventuel recours contentieux introduit par un voisin s’opposant au projet.
Surtout - et c’est le dernier apport de l’avis du Conseil d’Etat - le droit de retrait de cette décision d’urbanisme délivrée sur injonction fait l’objet d’un aménagement, l’autorité administrative conservant le droit de retirer le permis ou l’autorisation délivrée dans les 3 mois suivant la notification de la décision rendue en appel ou en cassation de la décision ayant prononcé l’injonction.
Pour satisfaisante qu’elle soit, cette avancée jurisprudentielle ne garantit pas l’obtention d’une décision insusceptible de recours ni définitive : Gare au recours du voisin contre la nouvelle décision et à l’appel de l’autorité administrative contre le jugement rendu en sa défaveur !
[1] CE avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, n° 417350, au Lebon ;
[2] Article L. 600-2 du code de l’urbanisme ;
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