La « Czabajisation » se heurte à la prescription quadriennale
par Marie-Pierre LAPEYRE, juriste docteur en droit public du Cabinet Lapuelle.
Pour rappel, par son arrêt Czabaj, la Haute Juridiction a considéré que même en l’absence de mention des voies et délais de recours - qui en vertu de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative rend en principe inopposable le délai de recours contentieux de deux mois franc contre cet acte – une décision administrative ne peut faire l’objet d’un recours que dans un délai raisonnable de un an, sauf circonstances particulières.
Depuis cet arrêt, le Conseil d’État n’a eu de cesse d’étendre le champ d’application de ce principe du délai raisonnable à d’autres types de recours.
Ainsi, celui-ci a été étendu aux recours juridictionnels qui doivent être obligatoirement précédés d’un recours administratif (3), aux décisions explicites de rejet à objet exclusivement pécuniaire (4), à celles formées contre un titre exécutoire (5), au contentieux de l’urbanisme (6), aux décisions implicites de rejet (7) ou encore à l’exception d’illégalité des actes individuels (8).
Par la décision Centre hospitalier de Vichy du 17 juin 2019, le Conseil d’État se refuse à appliquer la jurisprudence Czabaj au contentieux indemnitaire de la responsabilité administrative.
Plus précisément, le Conseil d’État écarte l’application du délai raisonnable d’un an aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique, au motif que la prise en compte du principe de sécurité juridique est assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics - prescription quadriennale - ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l’article L. 1142-28 du Code de la santé publique - prescription décennale.
La jurisprudence Czabaj demeure donc limitée au contentieux de l’annulation ou de la réformation des décisions administratives et n’est pas étendu à l’action tendant à la condamnation d’une personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés.
(1) CE, 17 juin 2019, Centre hospitalier de Vichy, n° 413097
(2) CE, Ass. 13 juillet 2016, Czabaj, n°387763
(3) CE, 31 mars 2017, Ministre des finances c/ Amar, n° 389842
(4) CE, 9 mars 2018, Communautés de communes du pays Roussillonnais, n° 405355
(5) CE, 9 mars 2018, Communauté d’agglomération du pays ajaccien, n° 401386
(6) CE, 9 novembre 2018, SCI Valmore et autres, n° 409872
(7) CE, 18 mars 2019, M. B. C/ Préfet du Val-de-Marne, n° 417270
(8) CE, 27 février 2019, M. A. c/ ministre de l’action et des comptes publics, n° 418950
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