LA FRAGILISATION FINANCIÈRE D’UNE DSP PEUT-ELLE JUSTIFIER SA RÉSILIATION ?
Tribunal administratif Nouvelle-Calédonie, 7 mai 2025, "GIE Karuïa Bus", n°2400598 et "Société Carsud", n°2400606
La résiliation unilatérale d’un contrat de délégation de service public (DSP) soulève des enjeux juridiques majeurs, tant pour les collectivités que pour les opérateurs privés. Si ce type de contrat est normalement conçu pour durer, des circonstances exceptionnelles peuvent bouleverser cet équilibre. Parmi elles, la dégradation structurelle et durable des conditions financières du contrat est aujourd’hui reconnue comme un motif d’intérêt général légitime pour y mettre fin.
Une jurisprudence récente rendue par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie illustre avec force cette évolution, en validant la résiliation d’une DSP dans un contexte de déséquilibre financier profond, bien qu’aucune faute ne soit imputée au délégataire.
Cette décision mérite l’attention de tous les acteurs publics comme privés concernés par l’exécution de contrats publics dans un climat économique instable.
La résiliation pour motif d’intérêt général peut-elle reposer sur un déséquilibre financier du contrat ?
Oui. Par deux jugements du 7 mai 2025, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a reconnu que la détérioration financière durable du contrat peut constituer un motif d’intérêt général suffisant pour justifier sa résiliation. Dans l’affaire en cause, le SMTU du Grand Nouméa avait résilié les contrats de délégation de service public (DSP) conclus avec Carsud et le GIE Karuïa Bus, en raison notamment de troubles graves ayant affecté durablement les conditions d’exploitation du service de transport public Tanéo.
Le tribunal a rappelé que le juge administratif n’apprécie pas l’opportunité du choix de résiliation, mais vérifie l’existence d’un motif d’intérêt général. Ici, la chute des recettes commerciales, la hausse des charges, l’impossibilité de compenser les pertes par les tarifs ou les subventions, et l’épuisement des capacités financières du SMTU ont permis de caractériser l’intérêt général.
Ce contexte justifie la fin anticipée du contrat même en l’absence de faute du délégataire.
Le délégataire peut-il contester utilement la résiliation s’il respecte ses objectifs ?
Pas nécessairement. Dans cette affaire, le GIE Karuïa Bus faisait valoir que les objectifs de fréquentation étaient atteints et que la rémunération annuelle forfaitaire avait même diminué. Toutefois, le tribunal a jugé que ces arguments ne suffisent pas à écarter la réalité de la crise budgétaire du SMTU.
Le juge a relevé qu’au-delà des performances du délégataire, le maintien du contrat exigeait des efforts financiers disproportionnés de la part du syndicat public. Les pertes cumulées, aggravées par la crise sanitaire et des erreurs de conception du réseau, ont rendu l’exécution du contrat intenable jusqu’à son terme (2027), même en ajustant les dépenses ailleurs. Dans ces conditions, l’intérêt général prime, et la résiliation est légale.
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