LA JURISPRUDENCE SMIRGEOMES EN MATIERE DE REFERE PRECONTRACTUEL EST-ELLE REVOLUE ?
QUEL EST LE PRINCIPE DE LA JURISPRUDENCE SMIRGEOMES ?
Le référé précontractuel constitue la voie de droit la plus efficace pour un candidat évincé qui souhaite contester son éviction et faire annuler la procédure de passation d’un contrat de la commande publique. Mais par son arrêt Smirgeomes de 2008 (CE, 3 octobre 2008, Smirgeomes, req. n°305420), le Conseil d’Etat a entendu limiter l’effectivité de ce recours afin de préserver la sécurité juridique des procédures de passation des contrats de la commande publique.
D’une part, le texte de l’article L.551-1 du code de justice administrative prévoit que le candidat évincé ne peut invoquer, à l’appui de son référé précontractuel, que des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Par exemple, ce peut être un moyen tiré de l’incompétence de la personne publique au regard de l’objet du contrat (CE, 30 juin 1999, SA Demathieu et Bard, req. n°198993).
D’autre part, cette jurisprudence a davantage limité les moyens invocables dans le cadre du référé précontractuel. Le Conseil d’Etat a considéré que le requérant devait, au surplus, prouver que le manquement allégué l’avait lésé ou était susceptible de l’avoir lésé. Il doit ainsi démontrer un lien de causalité entre le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence invoqué et l’éviction qu'il entend contester. A défaut, le moyen reste recevable mais devient inopérant.
QU’EN-EST-IL DU MOUVEMENT D’ASSOUPLISSEMENT DE CES CONDITIONS DE RECOURS AU REFERE PRECONTRACTUEL ?
Depuis quelques années, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne tend à assouplir cette condition d’intérêt lésé posée par l’arrêt Smirgeomes.
A ce titre, elle a posé que le candidat évincé d’une procédure de passation d’un marché public a un intérêt légitime à former un recours quand bien même l’offre qu’il a présentée serait irrecevable (CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi, C-333/18). Cette solution a été reprise en matière de référé contractuel par le juge administratif (CE, 27 mai 2020, Société Clean Building, req. n°435982). Elle pourrait vraisemblablement être étendue en matière de référé précontractuel, selon la jurisprudence à venir.
QUEL ELARGISSEMENT DE CETTE APPRECIATION CET ARRÊT CONSACRE-T-IL ?
La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé sa vision large des moyens invocables à l’appui d’un référé précontractuel introduit par un candidat évincé à un marché public (CJCE, 24 mars 2021, LDK Symvouloi Michanikoi, C-771/19).
Elle refuse que la réglementation ou la jurisprudence nationale limite les moyens invocables par le candidat évincé à la violation du principe d’égalité dans l’appréciation des offres, dans le cadre d’un recours contre la décision portant acceptation de l’offre d’un autre soumissionnaire. Aussi, elle considère que le candidat évincé peut introduire un recours contre la décision de l’acheteur de retenir l’offre d’un autre candidat, quel que soit le stade de la procédure de passation auquel la décision intervient.
Le véritable intérêt de l’arrêt étudié concerne l'extension des moyens invocables par le soumissionnaire évincé. A ce titre, selon la CJUE, la directive ne prévoit pas d’autre exigence que celle qui consiste à ce que le candidat puisse invoquer des moyens tirés de la violation du droit de l’Union en matière de marchés publics ou des règles nationales transposant ce droit. Aux termes de cette interprétation, le requérant peut invoquer tout moyen contre la décision d’admission d’un autre candidat sans aucune exigence de lien de causalité entre les irrégularités et son éviction. Il semblerait ainsi que la jurisprudence européenne mette à mal l’exigence d’intérêt lésé posée par l’arrêt Smirgeomes.
Reste à savoir comment le juge administratif accueillera ce nouvel assouplissement des conditions de recours au référé précontractuel, pour les candidats évincés d’une procédure de passation d’un marché public. En tout état de cause, cela offrirait de nouvelles possibilités contentieuses aux requérants.
Dans le cadre de contentieux en matière de contrats publics, le Cabinet Lapuelle, à Toulouse, est disponible pour vous accompagner.
Vous pouvez trouver sur le lien suivant, de nombreux modèles de courriers, notes juridiques et guides, en matière de contrats publics, mis à votre disposition sur le site Lapuelle Juridique.
Pour toute autres questions, vous pouvez contacter votre cabinet juridique.
Cabinet Lapuelle - 38 rue Alsace-Lorraine - 31000 TOULOUSE - Tél. : 05 61 38 27 17 - Mail : lapuelle@cabinetlapuelle.com
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit des contrats publics
- décembre 2024
- novembre 2024