UN NOUVEAU REGIME DE LA RESILIATION UNILATERALE DU CONTRAT POUR IRREGULARITE ?
Quelle est la solution de principe ?
En principe, la personne publique peut résilier unilatéralement un contrat administratif pour motif d'intérêt général.
Ainsi, l'irrégularité d'un contrat administratif constituait un motif d'intérêt général qui pouvait justifier une résiliation unilatérale (CE, 10 juillet 1996, n° 140606 ; CE, 7 mai 2013, n° 365043). Le titulaire du contrat était, en contrepartie, indemnisé intégralement du préjudice subi.
Selon quel régime particulier la résiliation unilatérale d'un contrat pour irrégularité peut-elle être prononcée ?
Le Conseil d'Etat est venu apporter des précisions quant aux nouvelles règles relatives aux conséquences des invalidités des contrats administratifs et clarifie le régime particulier des résiliations unilatérales fondées sur ce motif (CE, 10 juillet 2020, n° 430864).
En l'espèce, un contrat avait été conclu par une collectivité. Cependant, cette dernière s'est rendue compte, peu de temps après le commencement d'exécution de son marché, qu'elle avait omis dans les documents de la consultation une mention. En effet, elle avait imposé l'achat de produits d'une marque spécifique, toutefois elle n'avait pas mentionné "ou équivalent" et cet oubli avait eu pour effet de favoriser le titulaire du marché, qui était le distributeur exclusif de la marque. Elle a donc résilié unilatéralement le contrat , car pour elle, il était entaché d'une irrégularité au regard de cet oubli.
Le Conseil d'Etat en a profité pour éclaircir le régime de résiliation unilatérale en cas d'irrégularité du contrat.
Ainsi, il a considéré que la personne publique pouvait résilier unilatéralement un contrat, dès lors que le juge du contrat aurait retenu que celui-ci était entaché d'une irrégularité d'une gravité telle qu'il en aurait prononcé également son annulation ou sa résiliation. Dans ces conditions, la personne publique pouvait donc résilier unilatéralement le contrat, sans qu'elle ait besoin de saisir au préalable le juge. Toutefois, une condition encadrait cette résiliation : elle ne pouvait intervenir que sous réserve du respect de l'exigence de loyauté des relations contractuelles.
La résiliation pour irrégularité du contrat n'apparaît plus liée directement à un motif d'intérêt général. Or, le Conseil d'Etat n'a pas tranché cette question. Le Rapporteur public avait retenu que la résiliation pour irrégularité du contrat constituait un régime à part entière. Pour le Conseil d'Etat, la résiliation pour irrégularité du contrat était un cas de résiliation pour motif d'intérêt général. Cependant, il est venu apporter une précision spécifique à ce cas de résiliation. Dans ce cadre-là, la résiliation est conditionnée par sa gravité et le respect de l'exigence de loyauté des relations contractuelles.
En outre, le Conseil d'Etat est venu préciser le régime de résiliation unilatérale pour irrégularité du contrat concernant les demandes indemnitaires de la société titulaire du contrat résilié. Il précisait :
"Après une telle résiliation unilatéralement décidée pour ce motif par la personne publique, le cocontractant peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, pour la période postérieure à la date d'effet de la résiliation, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Si l'irrégularité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. Saisi d'une demande d'indemnité sur ce second fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice."
Il résultait de cette affirmation que le cocontractant pourrait, dans le cadre de cette résiliation, engager la responsabilité pour faute de l'administration et demander une indemnisation du préjudice subi si l'irrégularité justifiant la résiliation découlait de cette faute. De surcroît, il pourrait prétendre au remboursement des dépenses engagées utiles à la collectivité dans le cadre de l'exécution du contrat sur le terrain quasi-contractuel.
Vous pouvez trouver sur le lien suivant, une CONSULTATION JURIDIQUE SUR LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE D’UN APPEL A PROJETS.
De nombreux autres modèles de courriers, notes juridiques et guides sont à votre disposition sur le site Lapuelle Juridique.
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit des contrats publics
- octobre 2024
- PAIEMENT DIRECT DU SOUS-TRAITANT POUR TRAVAUX SUPPLÉMENTAIRES : EST CE POSSIBLE ?
- ABSENCE DE NOTIFICATION DU MÉMOIRE AU MAÎTRE D’ŒUVRE : PEUT-ON CONTESTER ?
- DÉCOMPTE GÉNÉRAL TACITE : LA PROCÉDURE DE RÉCLAMATION EST-ELLE INDISPENSABLE ?
- UNE DEMANDE DE PRECISIONS PEUT-ELLE ETRE CONSIDEREE COMME UNE NEGOCIATION ?
- UNE ERREUR DE PLUME PEUT-ELLE JUSTIFIER L'ANNULATION D'UNE PROCEDURE DE MARCHE ?