UNE ENTREPRISE PEUT-ELLE AGIR CONTRE LA COMMUNE MALGRÉ UN MANDATAIRE ?
Cour administrative d'appel Bordeaux, 29 avril 2025, req. n°23BX02394
Dans les marchés publics, les collectivités peuvent déléguer la maîtrise d’ouvrage à un mandataire, mais cette délégation ne fait pas disparaître leurs obligations contractuelles.
Lorsqu’un prestataire estime qu’il a subi un préjudice — notamment en cas de factures impayées ou de paiements tardifs — il peut engager la responsabilité contractuelle de la personne publique, sans être tenu d’agir contre le mandataire.
L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux le 29 avril 2025 (CAA Bordeaux, 29 avril 2025, n° 23BX02394) illustre cette règle et apporte des précisions importantes sur les délais pour agir et la répartition des responsabilités.
Un recours contre la commune peut-il être rejeté comme tardif ?
Non, pas dans le cadre d’un recours en responsabilité contractuelle.
La commune soutenait que la demande de la société était tardive, car introduite plus d’un an après la connaissance de la décision de rejet implicite de sa réclamation.
Mais la CAA de Bordeaux rappelle un principe fondamental : lorsqu’un requérant demande la condamnation d’une collectivité à réparer un préjudice contractuel, le délai pour agir n’est pas limité par les règles classiques du contentieux de l’excès de pouvoir, mais par celles de la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968.
Dès lors, tant que l’action n’est pas prescrite (en l’occurrence, introduite moins de quatre ans après la date d’exigibilité des sommes), elle est recevable, et ce même si la réclamation préalable est ancienne (cf. CE, Ass. 13 juillet 2016, n° 387763 ; CE, 17 juin 2019, n° 413097). Le juge a donc écarté l’argument de tardiveté invoqué par la commune.
La responsabilité du mandataire peut-elle être directement engagée ?
Non. L’entreprise ne peut pas engager la responsabilité directe du mandataire, même si celui-ci a signé le marché.
Selon une jurisprudence constante (CE, 26 septembre 2016, n° 390515), le mandataire d’un maître d’ouvrage agit au nom et pour le compte de la personne publique, sans être personnellement engagé contractuellement à l’égard des titulaires de marchés.
Dans cette affaire, la commune avait confié à une société d’économie mixte un mandat de maîtrise d’ouvrage pour la rénovation urbaine d’un quartier. La société attributaire d’un lot de travaux, s’est heurtée à des factures impayées et a réclamé leur paiement. La commune soutenait que la responsabilité relevait du mandataire.
La CAA de Bordeaux a clairement écarté cette position, estimant que la société devait agir contre la commune, seule juridiquement responsable, d’autant plus que cette dernière avait donné quitus à son mandataire. Le juge a donc confirmé la condamnation de la commune à verser plus de 28 000 € d’intérêts moratoires à l’entreprise pour les retards de paiement.
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