UN PV ADMINISTRATIF PEUT-IL ENGAGER LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE D’UNE PERSONNE PUBLIQUE ?
Conseil d'Etat, 20 mai 2025, req. n°491398
Lorsqu’un département entreprend des travaux d’ouvrage public en s’appuyant sur un ancien accord administratif, peut-il engager la responsabilité contractuelle d’un autre établissement public ? Le Conseil d’État, dans un arrêt du 20 mai 2025, précise les conditions strictes dans lesquelles un document administratif peut être qualifié de contrat et fonder une demande indemnitaire.
Dans une affaire opposant un département à Voies Navigables de France (VNF), le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur la nature juridique d’un procès-verbal signé entre services publics à la suite de travaux de reconstruction. Le département, sur la base d’un procès-verbal de "conférence" signé en 1960, avait sollicité une participation financière de VNF aux travaux de rénovation d’un pont. Devant le refus de ce dernier, il avait émis un titre exécutoire de 412 000 €, entraînant un contentieux porté devant le juge administratif. Saisi après une décision partiellement favorable du tribunal administratif puis de la Cour administrative d’appel (CAA), le Conseil d’État a cassé l’arrêt d’appel, au motif que le procès-verbal invoqué ne constituait pas un contrat, rendant ainsi inopérante la responsabilité contractuelle invoquée.
Cette décision soulève des questions fondamentales en droit public, concernant la distinction entre un simple accord administratif et un véritable contrat, ainsi que sur les limites de la responsabilité contractuelle des personnes publiques.
Un procès-verbal peut-il être qualifié de contrat ?
Le Conseil d’État rappelle que, pour qu’un document puisse valoir contrat administratif, encore faut-il qu’il manifeste une volonté réciproque de s’engager entre personnes juridiques distinctes, et qu’il respecte les règles de forme propres au contrat. En l’espèce, le procès-verbal de conférence du 7 octobre 1960, signé à l’issue d’une procédure d’instruction de travaux de reconstruction d’un pont, ne liait que des services civils et militaires de l’État.
Le Conseil d’État juge que ce document ne saurait être qualifié de contrat, dans la mesure où il n’exprime pas un engagement formel et librement consenti entre deux entités distinctes, mais seulement un compte rendu d’échanges entre différents services administratifs. En conséquence, aucune responsabilité contractuelle ne pouvait être fondée sur ce support.
La CAA a donc commis une erreur de droit en reconnaissant un tel fondement juridique à la demande indemnitaire du département. Cette décision invite les collectivités et établissements publics à une grande rigueur dans la formalisation de leurs engagements : seul un véritable contrat signé selon les formes peut produire des effets juridiques contraignants.
La qualification contractuelle peut-elle être contestée pour la première fois en cassation ?
Le Conseil d’État affirme clairement que la qualification juridique du fondement de la responsabilité est une question de droit d’ordre public, qui peut être soulevée pour la première fois en cassation. En l’espèce, même si les juridictions de premier et second degré avaient tranché le litige sous l’angle contractuel, le Conseil d’État a pu, en tant que juge de cassation, requalifier la nature de la responsabilité.
Il est donc établi qu’un juge peut écarter d’office la qualification de responsabilité contractuelle lorsqu’il constate l’absence d’un contrat valide, même si les parties n’avaient pas contesté ce point en première instance ou en appel. Cette solution protège les personnes publiques contre le risque d’engagement involontaire, à partir de simples documents administratifs ou d’accords informels non constitutifs de contrat.
Cette jurisprudence s’inscrit dans un courant protecteur, garantissant que seules des relations juridiques clairement établies peuvent donner lieu à des responsabilités contractuelles.
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